Caractéristiques du kendo, par Claude Hamot et Yoshimura Kenichi

Le texte qui suit est tiré d’un important manuel rédigé par Claude Hamot et Yoshimura Kenichi : Découvrir le kendo (Budoscope n° 10), Paris, Ed. Amphora, 1991. Outre son intérêt technique, ce manuel est précieux pour la richesse des réflexions qu’il renferme, qui peuvent nous aider à penser notre pratique. Ce manuel, aujourd’hui épuisé, a été mis en ligne avec l’autorisation de ses auteurs, et l’on peut en trouver sans difficultés une reproduction sur de nombreux sites internet comme celui du club de Mons, ou de Kemper.

 Les caractéristiques générales du kendo

La finalité du kendo réside dans l’assaut, c’est-à-dire l’affrontement duel où chacun des deux pratiquants cherche à délivrer des frappes valables sur certaines des parties protégées de l’autre en restant le moins possible vulnérable.

Cet assaut peut être libre (ji geiko) ou codifié et arbitré dans le cadre de la compétition (shiai) ; dans chaque cas il se déroule dans le respect des règles du jeu.

L’absence de brutalité, la retenue d’actions dangereuses ou interdites n’excluent pas la force ni l’intensité des échanges.

Le kendo peut être pratiqué à tous les âges par des femmes et des hommes en bonne santé. L’assaut libre peut ainsi mettre en présence des pratiquants de sexe, d’âge, de niveau d’expérience, semblables ou différents. Lorsqu’il y a une supériorité manifeste de l’un des pratiquants, l’usage veut, pour pouvoir tirer le meilleur profit de l’échange, que le plus expérimenté adapte sa pratique au niveau juste un peu supérieur à celui de l’autre. Cette pratique différenciée marque la maîtrise de son efficacité pour le plus expérimenté, et hausse le niveau des réalisations pour l’autre.

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La pratique du kendo : le jeu, la discipline

Le kendo est une activité de combat « un contre un » où les pratiquants mettent en œuvre, à chaque assaut, l’intégralité de leurs facultés « corps/esprit » pour, lorsque les chances sont égales, surpasser l’adversaire, ou bien donner le meilleur d’eux-mêmes face à un partenaire d’un niveau nettement plus avancé.

Il paraît évident que le pratiquant de kendo doit éprouver un certain plaisir dans le fait de rivaliser physiquement avec autrui qu’il ait, ou non, des chances de lui être supérieur. L’activité réelle de combat n’est pas une panacée, elle ne plaît pas à tous les individus, encore s’agit-il de savoir si elle convient ou non.

C’est ainsi que le kendo est pratiqué, non seulement par des personnes ayant déjà le goût de l’activité de combat, mais aussi par d’autres, néophytes, que le plaisir trouvé dans l’opposition est venu surprendre à la suite de l’intérêt trouvé dans la discipline.

La discipline du kendo consiste à apprendre, à se perfectionner, à s’entraîner dans tous les registres de l’activité pour pouvoir, en progressant dans l’efficacité, réaliser des assauts de plus en plus riches.

Pratiquer le kendo dans le sens d’une discipline c’est d’abord, et pendant longtemps, vaincre l’adversaire qui est en soi-même.

C’est pourquoi la pratique du kendo qui ne réclame aucune aptitude corps/ esprit particulière demande avant tout un courage patient et la volonté persévérante de se surmonter dans la réalisation de petits, mais constants, efforts.

Les progrès en kendo sont visibles dans l’assaut où la maîtrise et l’efficacité, relatives à chaque stade, déterminent l’obtention, devant un jury, de grades (dan) qui vont du premier au neuvième.

Les aptitudes particulières s’ajoutant à un dur travail forment, à tous les niveaux, les champions ; ceux-ci n’en gagnent pas, pour autant, un « dan » de plus. Le kendo, tout en lui reconnaissant sa valeur, ne mélange pas la précarité du titre sportif avec la dure réalité, souvent laborieuse, de l’acquisition du grade qui marque une étape pour le yudansha.

Les effets du kendo

Le kendo, comme les autres activités, ne paye de retour qu’à la mesure des efforts qui lui sont consacrés.

Un entraînement régulier (deux séances par semaine au minimum) aura déjà, à l’intérieur et en dehors du dojo d’heureuses répercussions sur le pratiquant dans les domaines :

  • de la santé : en kendo, l’habitude de courir en manœuvrant l’arme fournit un volume d’exercice utile pour lutter contre les méfaits de la sédentarité ; elle contribue à acquérir et à conserver la forme, elle donne l’accoutumance à l’effort ;
  • du psychisme : le fait d’être constamment sollicité dans des situations d’opposition et d’en résoudre les problèmes avec une marge d’erreurs qui s’amenuise avec la pratique, le fait de crier, contribuent à réduire les tensions et les inhibitions, chez le pratiquant et l’aident à se dégager progressivement du stress imposé par le rythme de la vie moderne ;
  • du développement des facultés ; la prise de conscience de son propre corps dans la réalisation d’actions complexes améliore l’aisance générale et développe l’acuité sensorielle ;
  • de la socialisation ; le fait d’affronter dans les assauts, pendant des années, toutes sortes de partenaires modifie la conception des rapports inter-humains, diminue l’égoïsme et en transformant l’agressivité, conduit au respect de soi-même et des autres, facteur essentiel d’une meilleure harmonie entre les êtres humains.

L’idée japonaise du kendo

La Fédération Japonaise de Kendo — Z.N.K.R. — définit comme il suit la voie moderne du sabre.

CONCEPT DU KENDO

« Le kendo est conçu pour discipliner le caractère de l’homme à travers la mise en œuvre des principes du sabre.
Le but de la pratique du kendo est : de former l’esprit et le corps, de cultiver un caractère vigoureux, et, par un entraînement correct et rigoureux, de s’efforcer de progresser dans l’art du kendo ; de tenir en estime la courtoisie et l’honneur, de coopérer avec les autres en toute sincérité, et de toujours poursuivre la culture de soi.
Ainsi chacun sera capable d’aimer son pays et la société, de contribuer au développement culturel, et de promouvoir la paix et la prospérité entre tous les peuples. »

Cette conception d’une activité martiale en tant que contribution essentielle à la paix universelle ne peut surprendre que ceux qui, voyant le combat de l’extérieur, le qualifient de violent, brutal, propre à entretenir des dispositions d’agressivité.

La base du comportement du pratiquant dans l’assaut est la conception que l’autre, l’aïte, que l’on essaye de vaincre avec acharnement, est le partenaire indispensable pour les progrès. Chaque victoire remportée l’est sur soi-même, et il n’est pas sûr que le prochain combat ne voit la défaite.

Cette double conception d’un adversaire/partenaire et de l’adversaire à battre d’abord en soi-même, se fait jour au fil de l’entraînement et des progrès réalisés ; elle canalise l’énergie agressive et domestique la violence.

Tournant délibérément le dos à une époque où le kendo fut le support d’un nationalisme exacerbé et du militarisme qui l’accompagnait, le kendo japonais contemporain s’est sincèrement orienté vers l’utilisation de « l’idée du sabre » dans un but qui n’est pas nécessairement une utopie ; ne renoue-t-il pas ainsi avec la conception ultime du sabre telle que l’exprimait, vers 1632, le moine zen TAKUAN  ?

« Le maître ne tue pas avec le sabre, il donne la vie avec lui ».

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