Je me suis permis de faire un petit condensé d’un article du Fudokan (Marseilles). L’article initial est très riche, très intéressant mais ne sera pas facilement accessible à tous. C’est un entretien avec MIGITA Shigeaki sensei, Kendo Kyoshi 8e dan, sur le thème du seme, suivi de réflexions personnelles de l’interviewer sur les notions abordées. Cet entretien a été recueillis et traduits en anglais par Tóth Balázs puis traduit de l’anglais par Roland Haroutiounian. Vous retrouverez tous les liens en bas de page. J’ai aussi ajouté des notions développées par Geoff Salmon Sensei dans son blog.
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Il n’est pas correct de penser, comme beaucoup, que le seme ne désigne que le fait d’avancer dans la distance nécessaire à la frappe. Il ne suffit pas de s’approcher de l’adversaire. Le seul fait de s’approcher de l’adversaire, sans but n’est pas un seme, c’est un simple pas en avant.
La conquête du centre
Le véritable seme est la capacité à conquérir et à défendre le centre : le dominer rapidement, par tous les moyens. Trouver la ligne du centre est un prérequis fondamental pour tout combat de kendo efficace. Il faut se focaliser principalement sur sa main gauche et mieux encore, rassembler toute sa puissance dans le tanden inférieur (zône située de 2 à 5 cm sous l’ombilic également appelé hara qui physiologiquement correspond au centre de gravité du corps humain) *.
Beaucoup de gens se réfèrent au seme comme à une pression, ce qui est vrai d’une certaine manière. Cependant, cela ne signifie pas que vos mouvements et votre pointe de sabre doivent être raides ou lourds.
Beaucoup de débutants font l’erreur de pousser le bout du shinai en avant avec leurs mains seulement. Cela ne devrait pas faire réagir les kendoka hormis les moins expérimentés, alors qu’un mouvement fort (mais petit) avec le pied droit, suivi immédiatement par le gauche, vous permet d’apporter toute la force du bon chudan pour menacer votre adversaire. Durant le seme, il est extrêmement important d’être capable de mettre en place le kamae et le jeu de jambes qui vont nous permettre de lancer une attaque directe au bon moment. Il faut s’assurer que notre posture est correcte et détendue, en veillant à ne pas laisser tomber la pointe de notre shinai lorsque nous entrons dans la distance de nos adversaires. Il ne faut pénétrer trop profondément dans la garde – le shinai ne devrait idéalement pas dépasser 15 cm de son kisaki.
Une menace physique et psychologique
Il faut menacer principalement certaines parties du corps vulnérables : lorsque des parties du corps sensibles et vulnérables telles que la gorge, le torse, le nombril, les yeux, … sont menacées, cela est assez désagréable, et va engendrer un mécanisme instinctif de défense.
Vous devrez attaquer votre adversaire avec votre esprit en le forçant soit à battre en retraite, soit à attaquer avant qu’il ne soit prêt, ce qui vous permet de frapper efficacement. Le déplacement lors du seme ne doit pas être lié à la technique suivante, de sorte que le seme puis le uchi se fasse dans un mouvement continu. Au moment de commencer votre seme, vous ne savez pas comment votre adversaire pourrait réagir. Vous devez maintenir votre concentration dans une attitude appelée « tame » (retenir en maintenant une concentration extrême), puis relâchez le waza approprié, lorsque vous en voyez la possibilité (« explosion du uchi »). Un semeashi (seme par le déplacement) efficace implique un jeu de jambes qui, après avoir permis la création d’une opportunité d’attaque, se prolonge en fumikomiashi et finalise ainsi la frappe.
En définitif, le seme correspond au moment où l’on réalise l’état shin-ki-ryoku icchi (l’union de l’esprit, du ki et de la force) et que l’on domine le centre. C’est à cet instant précis que l’adversaire va sentir que l’on a réalisé le seme : on brise le kamae (présence, disponibilité) de l’adversaire afin de réaliser le yuko-datotsu (frappe valide). Cela demande beaucoup de courage, car la moindre erreur peut renverser la situation et l’on peut se retrouver attaqué. Il n’y a donc pas d’alternative possible. Nous nous devons de nous engager pleinement dans la situation, ce qui est un travail mental fort et sérieux.
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* « Le vocable « tan den » vient du chinois « dan tien » qui signifie »champ de cinabre ». « Ce terme désigne dans le taoïsme, certains lieux du corps, sièges de transformations, de mutations. Le cinabre, ou sulfure de mercure,sous la forme de pierre rouge, est en alchimie chinoise la matière première de la pierre philosophale. En d’autres termes, le cinabre est le matériau de base de l’élaboration de l’or en alchimie externe, de la drogue d’immortalité en alchimie intérieure. »
« Les « champs de cinabre » sont au nombre de trois: le champs de cinabre inférieur (le hara), le médian (situé au niveau du plexus solaire) et le supérieur (localisé dans la tête) »
http://ledodanslekarate.blogspot.com/2009/12/quest-ce-que-le-hara.html
« Dans les arts martiaux, le hara représente le centre à partir duquel toute technique naît. Une juste utilisation de celui-ci assure la coordination, la vitesse et l’efficience de la technique. De fait, pratiquer un art martial revient également à exercer le hara. Or, ce dernier étant un centre de l’équilibre énergétique de l’organisme et de la quête spirituelle, les arts martiaux vont prendre dans la tradition taoïste une dimension sanitaire et spirituelle (voire religieuse) en plus de sa dimension guerrière. »
Extraits du livre « Traité d’alchimie et de physiologie taoïste » de Catherine Despeux, Editions des Deux Océans«
Entretien de MIGITA Shigeaki sensei, Kendo Kyoshi 8e dan, sur le thème du seme, suivi de réflexions personnelles de l’interviewer sur les notions abordées.
Propos recueillis et traduits en anglais par Tóth Balázs, Kendo 5e dan, membre de l’équipe nationale de Hongrie, dans le numéro d’Avril 2018 de Heihó Magazin, et auteur du site Kendó kultúra :
« Le Seme efficace » (traduction par Roland Haroutiounian)
https://kendo-kultura.hu/en/