Améliorer le men en kendo

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La technique d’un grand adepte : Masahiko Narazaki, hanshi – 8e dan

Cet article est extrait de «Kendô-nippon» ; il fut traduit par Kenji Tokitsu ; numérisé et transcrit par Eric Valès)

Lors du premier tournois de kendo à Meiji-mura (village de Meiji), Masahiko Narazaki, Hanshi emporta la victoire finale. Chaque fois, il porta, de tout son être, une magnifique attaque au men après avoir ébranlé son adversaire par un kisemé (offensive par le ki) irrésistible. L’expression « Narazaki no men » (l’attaque au men de Narazaki) date de ce tournoi. Le dynamisme de sa technique du men provient directement de sa façon de penser le kendô et de la méthode de son entraînement.

Il s’exprime ainsi au cours d’un entretien :

L’attirance du men

Lorsque je suis entré à l’université Kokushikan, le professeur principal était le défunt maître Chûtarô Ogawa (9e dan-hanshi). A cette époque l’entraînement de kendô du Kokushikan était centré sur les exercices de uchikomi et de kirikaeshi.

« Il existe diverses techniques en kendô mais l’attaque au men est la base de toutes et c’est également la technique ultime. Aussi longtemps que vous pouvez tenter de porter une attaque au men, vous avez la possibilité de progresser en kendô. »

Telle était la ligne directrice de l’enseignement de maître Ogawa et nous avons été éduqués avec la conscience de l’importance du men en kendô.

Je pense qu’en assistant à un tournois de kendô, c’est la technique du men qui suscite la plus grande émotion ; une magnifique réussite de la technique du men est celle qui recueille le plus d’applaudissements. Il existe différentes techniques du men : hiki-men, ôji-men etc., mais le tobikomi-men à partir d’une distance éloignée de l’adversaire (tôma) est celle qui m’attire le plus. Je ne suis pas très habile aux hiki-men et ôgi-men que je n’utilise guère lors des tournois.

Finalement, je me fie uniquement à la technique de tobikomi-men que j’applique en précédant l’attaque de l’adversaire.

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Men démontré par Nabeyama sensei

J’exerce une pression de sémé sur l’adversaire avec la pointe du shinaï. Il se fige alors, son esprit se trouble et, lorsque cette situation lui devient insupportable, il fait un pas en avant. Juste au moment où il va bouger, je porte une frappe au men, de tout mon être, en ayant la sensation de me détacher de la vie. Il s’agit d’une attaque au men qui me ferait heurter le mur d’en face si je ne touchais pas l’adversaire. Cette technique du men représente pour moi l’esprit du kendô et est celle qui m’attire le plus. Elle tient la première place dans ma pratique et est au centre de mon entraînement solitaire.

Porter un coup juste au moment où l’adversaire veut attaquer, en captant cet instant par un réflexe bien entraîné et ses capacités de yomi (prévision), n’est-ce pas là le plus grand intérêt du kendô ? Pour cela il faut savoir porter une attaque au men avec la détermination d’abandonner la vie. Vous ne pouvez pas réaliser une frappe au men valable si vous ne pouvez pas frapper juste le centre de la tête de l’adversaire à partir d’une distance assez importante (tôma) en vous appuyant sur la puissance et la stabilité des jambes et des hanches.

Je pense qu’il faut marcher dans la vie sur la route principale et non pas sur les sentiers de traverse ou clandestins. Dans les affrontements de la vie sociale je pense aussi qu’il fait faire face directement, quels que soient vos interlocuteurs, en projetant sincèrement tout votre être. Je ressens cet esprit dans la technique du men. L’approfondissement du men est pour moi le synonyme de l’approfondissement de la vie, c’est une des raisons principales qui m’attirent, dans la technique du men.

C’est le kihaku (la force en ki) qui vous permet de pénétrer au cœur de l’adversaire pour le vaincre quelle que soit sa garde. Vous devez briser de front la garde immuable de l’adversaire par une force de ki supérieure à la sienne. Au moment où je réussis une frappe au men à partir de tôma, je ressens quelques fois la plénitude du ki dans l’espace où les deux shinaî se croisent. Je ressens alors que c’est par la plénitude du ki que ma technique a surgi. Il ne s’agit plus de la sensation d’avoir découvert une faille chez l’adversaire, ni d’avoir capté l’instant où il va faire un geste. C’est mon corps qui rebondit spontanément comme la graine d’une plante qui s’ouvrirait par la plénitude du ki. Cette expérience m’a fait comprendre l’importance du ki, lequel conduit le corps au mouvement.

Si l’entraînement nourrit le ki et si le ki nourrit l’entraînement, alors votre kendô ne s’affaiblira plus, telle est la particularité du kendô.

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Une magnifique et véritable attaque au men arrive de telle manière que vous avez l’impression de recevoir sur la tête un énorme paravent qui tombe. Elle vient avec la force du ki, comme une énorme vague tombant sur votre tête en portant en elle-même le paysage et l’atmosphère ambiants. Tout l’espace arrive avec le corps de l’adversaire qui vous porte une attaque au men. Comment pourrait-on éviter une telle attaque ? Il s’agit de la technique du men du plus haut niveau. Comment est ce que je peux me rapprocher de cette technique ? Telle est ma préoccupation en kendô.

S’entraîner pour raffiner la technique du men

Il faut construire la technique du men à partir des jambes et des hanches. Le jogging est l’exercice de base indispensable. Le renforcement de la partie basse du corps n’est-il pas le préalable physique à la technique du kendô ? Je cours donc au moins deux à trois kilomètres chaque jour, matin et soir et je renforce aussi mes jambes en me suspendant à une barre par les genoux et en me balançant. Même âgé comme je le suis, il est indispensable de continuer un minimum d’entretien de la force musculaire et, ceci, pas seulement pour le kendô.

Lorsque je voyage, par exemple pour assister à des tournois en province, j’apporte toujours des chaussures de sports. En effet, en résidant à l’hôtel, il se peut que je trouve le matin au moins une heure pour courir. Je pense pratiquer le kendô toute ma vie, il est donc normal que je m’exerce de cette façon. C’est ainsi que je peux garder confiance en moi même.

A l’heure actuelle où les entraînements sévères d’autrefois ont presque disparu, je pense que les adeptes du kendô doivent s’imposer ces exercices en dehors du dojo. Je persévère dans ces efforts afin de pouvoir continuer l’exercice de frapper le men qui est un des objectif de mon kendô. Il est vain de chercher à augmenter la vitesse à notre âge. Il faut au moins entretenir le corps pour qu’il ne se régresse pas en force musculaire, surtout au niveau des jambe et des hanches.

L’exercice de suburi est important pour les adeptes de tous les niveaux. Il ne s’agit pas d’un exercice préparatoire pour les étudiants à la veille d’une compétition. L’acuité de la frappe est déterminée par la façon de tenir le sabre (te-no-uchi) qui ne peut être obtenue que par l’exercice quotidien du suburi. Sur un poteau électrique proche de ma maison, j’accroche un vieux pneu pour m’exercer chaque jour à la frappe avec le shinaï. La frappe du men sera aiguisée par le te-no-uchi qui permet de concentrer le ki sur le mono-uchi (milieu du premier tiers de la lame à partir de l’extrémité) du shinaï. Si vous progressez en technique du men, vous pourrez de ce fait frapper le koté et le .

Pour acquérir la capacité de capter avec justesse le moment de départ du mouvement de l’adversaire, il faut vous entraîner avec toutes sortes de personnes en cherchant à prévoir leurs techniques. L’entraînement en kendô consiste à ressentir avec la totalité du corps la chance de porter une attaque certaine. Pour capter l’instant exact d’attaque, il est indispensable d’apprendre à concentrer le ki. Lorsque la force de votre ki dépasse celle de l’adversaire, celui-ci va inévitablement réagir d’une façon ou d’une autre. Dans sa réaction apparaîtra infailliblement un vide qui vous offrira l’instant où lui porter une frappe au men.

Si vous remplissez de ki la partie haute du corps et si vous vous comportez principalement à partir de sensations et d’une pensée réfléchie, votre technique deviendra peu consistante. Il faut remplir le bas du ventre du ki et relaxer le haut du corps. La technique du men portera alors loin. Je pense que ce qu’on appelle la technique de non-pensée apparaît dans cette situation. Il est donc important de remplir le tanden de ki, calmement.

En effet le ki partant du tanden possède une énergie qui monte jusqu’au ciel. La technique réalisée avec la sensation d’abandonner tout votre être va jaillir lorsque le ki aura rempli la totalité de votre corps. Le renforcement des jambes et des hanches durant l’entraînement est la condition de base. Il faut nourrir le ki à tel point que le corps bouge seul par le ki. Je pense que la respiration est le meilleur exercice pour nourrir le ki.

Je m’exerce dans la vie de tous les jours à une respiration longue. Le matin, en me promenant je m’exerce à expirer longuement et fortement, en remplissant le tanden. J’oublie souvent ma respiration durant le travail, mais sitôt que je m’en aperçois je m’exerce à cette respiration longue. Sur le chemin du retour de la gare à la maison, je compte souvent le nombre des respirations et j’essaie de le diminuer. Il est préférable de trouver différentes occasions qui nous permettent d’allonger la respiration. Une respiration longue vous permet de continuer un long entraînement ; c’est aussi au cours d’une respiration longue que vous pouvez trouver une occasion opportune pour attaquer.

Je pense que le secret du progrès consiste dans la façon dont vous vous entraînez en dehors du dojo.

Une attaque du men qui tombe sur vous comme une vague énorme, impossible d’y échapper, voilà la technique idéale du men.

Pour y parvenir, il faut vous exercer à nourrir le ki afin de pouvoir vous imposer à l’adversaire par la force du ki.

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